Caceres pour toujours

13 Août: Il y a une île au milieu du fleuve, île qui bientôt ne le sera plus tant la sécheresse fait baisser le niveau de l’eau. Lorsque nous sommes arrivés, il fallait nager jusqu’à l’autre rive, maintenant, nous marchons sur l’eau jusqu’à la moitié du chemin.

Nous allons nous promener sur cette île pour faire la chasse aux animaux, et mis à part les iguanes qui se débinent les pattes en l’air les écailles au vent lorsqu’ils nous aperçoivent et les loutres qui passent et repassent toujours avec un poisson dans le bec, nous débusquons un énorme jacaré dans les jacinthes, dans notre zone de baignade. Nous ne pensions pas qu’ils venaient si près des humains, mais ici, à Caceres, il n’y a jamais eu d’accidents, nous avons jugé bon de nous renseigner du coup!

14 Août: Aujourd’hui nous sommes invités à une fête dans une pousada, une grande propriété  d’élevage qui reçoit ce Dimanche au moins 500 personnes qui vont manger une vache entière.

Nous n’avions jamais vu ça, même en Argentine!

C’est assez impressionnant, un peu hard core pour les âmes sensibles, mais une fois qu’on y goûte, on oublie ce que furent avant ces morceaux de viande que nous avons dans notre assiette . C’est effectivement délicieux, tendre et presque caramélisé, sûrement grâce à la préparation qu’elle a subie depuis deux jours.

Si ça c’est pas du méchouis de compétition!!!

Pour nous dépenser un peu après tout ce qu’on a ingurgité, il faut danser maintenant!

Alors comme il me faut un peu d’entrainement, c’est Sueli qui s’y colle, j’ai dû lui écraser les tongues au moins dix fois, et puis les musiques jouées par l’orchestre ne durent pas 3 minutes, c’est 20 minutes de tourbillons dans ce sauna naturel, aujourd’hui, il fait particulièrement chaud.

Le Thillou n’a pas besoin d’entrainement en revanche, la danse, c’est inné chez lui!

Je laisse le Thillou se défouler et pars avec Diego prendre quelques clichés du «jardin». Un jacaré

se dore la pilule Des capibaras furtifs passent rapidement devant nous, les oiseaux pêchent.

Merci à Julio et à la pousada 2 de Ouro pour cette fantastique invitation. Grace à ces rencontres, nous participons à la vie Brésilienne, nous nous sentons intégrés dans cette ville où tout le monde maintenant nous reconnait, des personnes viennent spontanément nous saluer, un jour au supermarché, un homme est venu embrasser Thille en lui offrant un cadeau. Dans l’emballage, une bouteille de liqueur de Péki, un fruit du pantanal. Il nous a vus, est parti acheter cette bouteille, et nous a retrouvés à la caisse. Nous ne savons toujours pas qui il est malheureusement, il est parti comme il est venu avant qu’on arrive à se rappeler d’où nous le connaissions.

Le patron de la lanchonette où nous buvons nos bières nous a offert un couteau multifonctions pour que nous ne l’oublions pas... Nous sommes toujours très touchés par ces manifestations amicales et spontanées.

Sandro et sa famille nous invitent dans un petit resto pour clore cette journée, comme si nous n’avions pas assez mangé! Mais nous acceptons de passer encore un moment en leur compagnie.

Sandro présente toujours Maud comme chef de cuisine et moi comme fille et soeur de chefs internationaux. Ce qui nous donne systématiquement droit à la visite des cuisines. C’est comme cela que nous savons qu’ici, les règles d’hygiène sont appliquées, les cuisines sont très propres, les employés portent des charlottes.

Nous avons retrouvé Marthe Villalongua, elle fait des crêpes à Caceres!

15 Août: Ce soir Sandro & Co nous invitent à manger une pizza. Nous ferons à nouveau la visite des cuisines, et là encore, rien à dire sur la propreté et l’organisation. Les pizzas sont étonnantes, il y a un concept intéressant à ramener en France. Enfin, pas pour la pizza à l’alligator, je ne suis pas sûre d’en trouver à métro ni aux halles de Rungis!

16 Août: Ouilleouilleouille on change nos deux batteries pour les panneaux solaires, elles ont 5 ans alors c’est normal, mais ça fait mal! Mais là encore, nous bénéficions de la générosité Brésilienne, le patron de la lanchonette, notre QG, appelle un ami vendeur de batteries qui lui donne un tarif par téléphone. Cela est bien moins cher que ce que le Thillou avait vu en magasin. Lorsque nous arrivons sur place, le tarif est un peu plus élevé, mais c’est parce ce que ce dernier avait mal entendu (il est presque sourd), alors l’ami vendeur, bien amicalement, nous fait payer encore moins cher que le prix entendu au téléphone. Une belle ristourne de 35 réais par batterie (15€), juste parce qu’il est heureux qu’on vienne visiter sa ville.

17 Août: Je suis embauchée au SEMATUR pour la matinée afin de servir d’interprète pour un jeune japonais voyageant seul et ne parlant qu’anglais, et japonais bien sûr mais ici ça n’aide pas. Alors on passe du portugais à l’espagnol au Français dans ma tête puis à l’anglais... une gymnastique de cerveau qui me vaudra un petit resto offert par Sandro en échange! C’était sympa.

Dans l’après midi, Diego nous fait visiter son campus, l’institut fédéral d’éducation, de science et technologie, un lycée qui fonctionne comme une faculté, les cours sont axés sur le métier futur et délivrent non pas un diplôme général comme notre bac, mais un diplôme spécifique qui permet de s’orienter facilement vers le métier choisi.

On peut choisir parmi de nombreuses spécialités et devenir technicien en agriculture (organique ou intensive), en zootechnie, en informatique, en biologie, analyse des sols, élevage...

Tous les fruits et légumes, ainsi que la viande et les produits laitiers sont issus de la mise en pratique des cours suivis par les élèves. Ainsi le campus est autonome concernant la nourriture pour la cantine.

Cocoteraie, vergers, potagers, vaches, cochons, poules.

Voici une école modèle pour nous. Cela donne envie d’être élève à nouveau. Obrigada Diego! Puis ce soir, c’est de nouveau pizza, et rebelote, je visite la cuisine et suis invitée à prendre des photos, et j’ai eu droit à ma charlotte aussi!

18 Août: Nous partons en quête d’amortisseurs, ceux que nous avions achetés en Argentine n’étaient pas assez costauds, ça fait 3 fois qu’on en change 3 à tour de rôle depuis notre dernier retour en Amérique du Sud. Alors ça commence à nous gonfler de devoir acheter de la crotte.

Nous faisons tous les magasins de pièces détachées mais nous ne trouvons que la même mauvaise qualité. Alors on réfléchit... va t’on devoir aller à Cuiaba, la grosse ville à 200 km d’ici pour en trouver?

19 Août: Nous faisons d’autres magasins accompagnés de Diego. Mais rien de concluant. Nous retournons voir celui d’hier, et miracle, le gars nous déniche des amortisseurs qui ont l’air bien plus résistants. On en achète 4, re ouillouillouille...

Cet après midi, après que Thille a remonté ses amortisseurs, nous allons voir de défilé de présentation des troupes qui vont se produire dès ce soir pour le festival international de danse folklorique sur la place du SEMATUR.

Il y a un groupe venant de Belgique présentant l’art du lancer de drapeau, sous un soleil de plomb, cela n’a pas l’air d’être facile, mais c’est très impressionnant et le publique aime.

Il y a aussi un groupe Argentin, avec de très beaux costumes traditionnels, des groupes Brésiliens représentant tout le pantanal, et un groupe béninois, Towara-Bénin, à la notoriété reconnue qui se produit au Brésil depuis le 24 Juillet dans différentes villes. La Martinique devait aussi être là, mais un problème avec l’avion à Sao Paulo nous prive de leur présence.

Nous allons donc voir ces spectacles et y retrouvons Sandro et ses amis. Un de ses amis est représentant de la marque de bière skol, qui sponsorise le festival. Et pour tout le groupe que nous formons ce soir, devant ce stand, la bière est à volonté et gratos. Même plus qu’à volonté, on nous les met dans les mains avant d’avoir fini la précédente. Un piège. Bien glacée alors qu’il fait très chaud, ça passe tout en glisse et on ne les compte plus.

Sandro nous propose de monter sur la scène pour voir les danses de plus près, c’est génial. Ni Maud ni moi n’avons nos appareils photos ce soir car nous ne pensions pas pouvoir assister à ces représentations de si près. Et on regrette vraiment. Ils ont mis le feu, la foule poussait des cris, les musiciens et les danses, très suggestives ou très drôles par moment ont épaté le public, la bonne humeur de ces Africains s’est propagée parmi tous les spectateurs. Nous aussi, nous étions déchainés. Puis le froid est arrivé. En une heure de temps, nous sommes passé de 35 degrés à une petite dizaine. Encore une fois, le vent de Patagonie fait des siennes, c’est impressionnant, mais cela ne devrait durer que 3 jours.

Une fois les représentations terminées, un groupe de Caceres à la musique plus moderne s’est mis à jouer. Un petit groupe d'irréductibles dont nous (tout le public est parti au fur et à mesure que le froid s’installait) est resté pour danser, jusqu’à une heure du matin.

20 Août: Alors je ne sais pas si c’est normal mais je n’ai pas pu sortir de mon lit pour voir les représentations de ce matin. La casquette trop petite comme on dit.

Thille se lève car la gueule de bois, il ne connait pas, et va voir les Africains jouer et danser. Il fait froid.

Un des artistes Belges nous a dit qu’en se réveillant avec ce froid ce matin il a fait un bond dans son lit car il a cru qu’il avait raté l’avion pour le Brésil! Mais non, c’est le vent de la Patagonie mec!

Les Béninois font de nouveau crier la foule, et finissent carrément au milieu de tout le monde.

21 Août: Nous sommes invités de nouveau par Sébastien Mendes, l’artiste peintre qui fête son anniversaire dans sa propriété. Il nous avait dit la dernière fois qu’il avait adoré manger des crêpes à Pont Aven, lorsqu’il y était allé pour faire une exposition. Il n’a mangé que ça, exclusivement, pendant tout son séjour. Nous nous sommes souvenu et lui avons donc proposé d’en faire pour lui et ses 30 invités.

Il vient nous chercher vers 10h, le temps se radoucit un peu.

Il a préparé les poissons qu’il a pêchés dans une croûte de gros sel mélangé à de l’ail, du piment et de l’oignon et farcis aux tomates, oignons verts, persil. Pacu et peraputanga, deux des meilleurs poissons du fleuve Paraguay.

Pendant ce temps, Maud et moi préparons notre pâte à crêpe. Il y a beaucoup de monde, on prévoit large.

La cuisinière a préparé de son côté de grands plats de viandes, porc et poulet fermiers. Mais c’est sur le poisson que tout le monde se jette, pas d’arêtes ou presque, un vrai plaisir de s’en remplir la bouche sans être obligé de trier avec ses doigts! Délicieux.

Elizette, sa compagne, a fait cet énorme et très bon gâteau, et nous, on s’active en cuisine pour faire notre centaine de crêpes. Sebastien est tellement content que nous lui offrons notre poêle à crêpe en essayant de lui écrire la recette, ce qui n’est pas évident puisque nous la faisons au pif par habitude. Mais faudra bien qu’il s’entraine s’il veut en manger tout plein et souvent. En tous cas, il est super heureux, et les invités aussi, nombre d’entre eux viennent près de nous pour se faire photographier avec les deux cuisinières Françaises. Cela nous amuse beaucoup car pour nous c’est un dessert tout ce qu’il a de plus

commun. La journée est belle, un ami musicien vient chanter des chansons accompagné de sa guitare, nous avons trop bien mangé, nos amis Sandro, Sueli et Diego étaient là aussi, un anniversaire réussi.

Merci à Sebastien et Elizette pour toute cette amitié. Sebastien nous propose de disposer de son domaine et de sa maison pour y passer le temps qu’on voudra avec notre camion. Nous le remercions très fort pour son hospitalité, mais nous devons reprendre la route. Caceres et ses habitants vont vraiment nous manquer, mais la saison avance, et il faut éviter d’être pris dans les pluies avant de rejoindre l’Uruguay, alors nous partirons demain matin, après 18 jours passés ici.

Nous n’oublierons jamais Sueli, Sandro, Diego, Sebastien, Julio et tous les autres. Ni nos petits lémuriens qui rentrent maintenant directement dans le camion pour se servir en bananes. Ni les agoutis, qui viennent matin et soir sans manquer à l’appel. Notre petit chat non plus, qui vient se faire câliner régulièrement lorsqu’on regarde un film, ni même la mygale, les iguanes ou les varans, ni le cri des singes hurleurs qui nous réveille chaque matin avec le chant de la multitude d’oiseaux qui vivent près du Sematur. On s’est senti comme chez nous ici.

Et s’il y avait un endroit visité depuis le début du voyage où nous aimerions bien vivre, c’est ici, à Caceres, cette petite ville si paisible et si active en même temps, si belle et proche de la nature. Franchement, on serait bien resté plus longtemps, alors, on pense y revenir un jour, peut-être lors du festival international de pêche, un évènement très important pour la ville et ses habitants.

De toute façon, nous avons tellement aimé que nous reviendrons même revoir nos amis à la saison des pluies!

Reste plus qu’à apprendre correctement le portugais pour pouvoir exprimer tout ce que nous ressentons envers tous les acteurs de notre voyage dans cette petite partie du Brésil, parce que le langage de Tarzan, au bout d’un moment, ça ne suffit plus, tout ce que nous avons à faire sortir de notre coeur est bien trop fort, et c’est frustrant.