La longue route de Cotahuasi

3 Septembre: Aller à Cotahuasi n’est pas une idée qui enchante Thille, en effet, la piste paraît très longue, très haute, et nous ne savons pas vraiment si l’endroit vaut vraiment le détour.

Nicolas a un pouvoir de persuasion meilleur que le mien car j’avais depuis abandonné l’idée de nous faire aller si loin.

Donc, c’est décidé, nous repartons à l’assaut de la montagne encore une fois.

Les paysages sont évidemment très beaux, mais ressemblent à beaucoup de paysages que nous avons déjà vu, et Thille en est un peu lassé, bien qu’il ne puisse malheureusement pas vraiment en profiter tant la conduite demande de l’attention. Bref, l’ambiance n’est pas à son apogée dans la Bestiole.

Pour couronner le tout, une erreur de navigation nous éloigne de Cotahuasi de deux jours, alors que si nous n’avions pas loupé la minuscule piste sans indication, nous aurions atteint le canyon en deux heures. Lorsque nous nous en apercevons, (le village dans lequel nous arrivons se trouve bien loin de la route que nous devions faire) il est bien sûr trop tard pour faire machine arrière.

Tout ça n’arrange pas l’humeur ronchon du Thille.

Nous arrivons dans une vallée verdoyante au milieu des montagnes désertiques, dans un village nommé Tipan. Le maire nous montre des endroits où nous pourrions passer la nuit, les habitants viennent nous parler.

Ce soir, pour nous remettre de ce mauvais plan, on se commande un «cuy» à emporter. Il nous faut goûter ça. Un cuy est un cochon d’Inde, ici, il y en a dans tous les restaurants, c’est un plat très populaire et très antique.

La cuisinière nous l’apporte en personne à notre bivouac, dans des petites boites individuelles avec du riz. La vue de ce rat dans la boite nous fait un drôle d’effet, mais il faut bien se lancer, et puis on est surprit par la finesse du peu de viande qu’il y a à boulotter. Finalement, c’est comme manger de la caille. Et comme le cuy se prononce ici couille, les blagues au raz des pâquerettes vont bon train, je vous laisse imaginer. Ce qui a l’avantage de détendre un peu l’atmosphère, avec la fatigue, nos cerveaux ne peuvent pas faire mieux de toute façon.

4 Septembre: Donc, nous sommes au mauvais endroit. Nous devons descendre toute cette vallée pour ensuite remonter. C’est l’angoisse de la soupe à la grimace, mais la décision a été prise hier soir de suivre nos amis dans cette histoire, nous irons voir là-bas si on y est. Et c’est parti. Nous passons devant un minibus en panne de batterie. Nico arrive à le dépanner. Nous le retrouvons un peu plus loin à nouveau en panne, cette fois ci, rien à faire, il faut le tracter.

Nous les remorquons sur de nombreux km à une moyenne de 13 km/heure, ce qui n’arrange pas nos affaires. Nous perdons deux heures sur Nico et Jess qui nous attendent en s’inquiétant ne sachant pas ce qui se passait..

Nous les retrouvons à la station service d’Aplao, et commençons la route que nous devrons refaire pour revenir car Cotahuasi est une voie sans issue.

Pour ajouter un peu de bonne humeur à notre Thille national, nous crevons, sur de l’asphalte, à cause d’un clou. Même pas sur la piste à cause d’une grosse pierre, non, avec un pauvre clou. C’est notre deuxième crevaison à cause d’un clou.

Nous passons par le village de Chuquibamba où la responsable du ministère de l’agriculture du bled nous propose de camper sur le terrain de son lieu de travail car il y a un vigile toute la nuit et des toilettes. L’offre nous convient, et Thille passe du temps à réparer la chambre à air.

5 Septembre: Les gens de Chuquibamba nous ont dit que la piste pour le canyon était bonne, qu’on la ferait en 5 heures, et ne dépassait pas les 3600m d’altitude. Nous partons donc confiants, mais les infos ne sont pas bonnes, nous roulons presque tout le temps à 4700m. Scrogneugneu, ça rouspète dans la camionette.

Jessica et Nicolas nous attendent pour une petite séance photo devant les montagnes, nous en profitons pour observer de près les yareta, cette plante qui paraît de loin être de la mousse sur les rochers, mais qui en fait est dur comme du bois et pousse sur elle même. Cette plante est protégée et ne croît qu’à partir de 3800m, d’un millimètre par an. Certaines ont plus de 3000 ans!

ça y est, nous voyons le haut du canyon, et voyons aussi la belle descente pour joindre Cotahuasi. Le paysage est très beau, mais ressemble fortement quand même à celui de Colca, ce n’est pas un dépaysement total. Nous arrivons au village crevés, nous retrouvons Jess et Nico devant l’incontournable poulet-frites Sud américain.

Nous partons en quête d’un bivouac mais ne trouvons aucun accès à la rivière, nous allons donc nous délasser dans les piscines d’eaux chaudes de Luicho, le bled d’à côté, et verrons bien plus tard. Mais plus tard, c’est trop tard, la nuit nous ayant rattrapé, nous ne trouvons pas d’emplacement, ce qui nous conduit à finir sur le parking d’une station service.

Le ridicule de la situation, soit faire tant de km sur piste, consommer tant d’essence pour finir sur un parking de station essence nous fait finalement rire. Au moins, on est sûr de pouvoir re-faire le plein demain matin sans problème!

6 Septembre: Le réveil est plutôt intéressant, des cowboys guident un troupeau de taureaux vers la sortie du parc mitoyen de notre super campement pour les amener au pré. Je regarde la scène du haut de la chambre de toit, et Jessica a le réflexe de choper son appareil pour faire quelques clichés.

La quête du jour est un campement au bord de la rivière et allons à Sipia, un lieu-dit dans les gorges.

Nous voyons des femmes en train de traire une vache, nous nous arrêtons. Jessica demande si elle peut leur acheter le lait, elles répondent «non, on vous le donne si vous avez une bouteille». Même en insistant, ce n’est pas possible de leur payer. Elles lui remplissent la bouteille de 2,5 litres du lait tout chaud. Ce lait entier à une vraie odeur de ferme,  et nous sommes impressionnés chaque jour de la gentillesse des habitants d’ici.

En déplaçant quelques cailloux, nous pouvons approcher le torrent et s’installer là pour la nuit. L’endroit est bien plus agréable qu’à la station, et nous avons toute la journée pour en profiter: lessive, baignade, ménage des véhicules, chercher du bois pour le feu, et faire une pâte à crêpe avec le bon lait frais..

En bon copain, Thille apprend à Eliot à être un vrai pirate, boire la bière au goulot, jouer avec des canifs etc...

7 Septembre: Bercés par le torrent et peut être aussi par le pisco pour certains, la nuit a été très bénéfique. Nous partons tranquillement et repassons devant les dames qui ont donné le lait, et Jessica leur achète, cette fois-ci, du lait et du fromage.

Les gens viennent à notre rencontre, nous parlent, se présentent, nous souhaitent la bienvenue.

Les fruits sont beaux ici, nous achetons des mangues et de beaux gros avocats de la vallée.

Un couple vient à notre rencontre, ils nous expliquent qu’ils sont natifs d’ici mais ne sont pas revenus au village depuis 40 ans. Ils nous parlent du vin d’ici et nous assure qu’il est très bon. Ils veulent nous faire goûter et partent en chercher. Ils offrent une petite bouteille d’eau remplie de ce nectar à Nicolas. Quand je parle de nectar, c’est surtout pour insister sur le côté très sucré de la chose...

ça plaît un peu aux gars qui sont en manque de pinard, alors on se rend dans la boutique où ce couple nous l’a acheté. Et là, nous achetons la même chose à ce vieux monsieur qui nous sert à

l’entonnoir ce genre de porto péruvien. Sa boutique ressemble à tout sauf à une cave à vin. D’ailleurs, sur la devanture il a écris qu’il vendait du pisco, du vin, du gaz et du kérosène. En goûtant certains trucs, on se demande s’il ne se trompe pas de liquide...

L’Inca Kola, la boisson imbuvable que tout le monde boit ici, c’est dire si les palais peuvent faire la différence entre du kérosène et du pisco! C’est comme boire du malabar. Après avoir bu ça, on peut boire n’importe quoi d’autre, il n’y a pas pire...

Comme il n’y a pas grand chose à faire ici, nous allons visiter le canyon plus loin et arrivons dans le petit village d’Alca. Nous nous garons sur la place et le maire vient directement se présenter à nous. Nous lui demandons où nous pourrions passer la nuit dans un endroit sympa, il nous propose de camper aux thermes qui ne se voient pas du bord de la route, si quelqu’un demande quelque chose à l’entrée du terrain, nous n’avons qu’à dire que nous venons de sa part. Quoi demander de mieux!

On mange un menu dans l’unique boui-boui d’Alca pour moins d’un euro et allons vite voire ce campement aux thermes.

C’est super, personne aux alentours, nous entrons sur le terrain et attendons la fraîche pour aller nous tremper dans l’eau chaude.

Thille en profite pour comprendre pourquoi un des pneus se dégonfle tout le temps, il démonte plusieurs fois la roue en croyant à chaque fois avoir réparé. Casse tête.

Nous allons aux thermes et avons la surprise de n’y trouver personne, pas de caisse. Donc en plus c’est gratos. On va se baigner dans l’immense piscine qui n’est vraiment chaude qu’à la source. Mais bon, elle est bonne quand même. Ces thermes sont apparemment en construction quasi abandonnées, les installations sont neuves mais pas entretenue, comme si la municipalité attendait d’avoir des sous pour finir le chantier.

8 Septembre: Aujourd’hui c’est le grand jour, on quitte ce canyon et on se retape toute la même route qu’à l’aller en sens inverse. On part de bonne heure en laissant nos amis qui nous rattraperons sans aucun doute.

Nous arrivons sur l’unique route de sortie du canyon et nous voilà coincé devant la voiture des hommes du chantier. Jess et Nico arrivent peu après. On nous dit que la route est en travaux, on ne passe pas avant midi... Bon. Nous retournons à Cotahuasi, on fait le tour du village en attendant et on va manger au resto un -devinez-quoi-un-poulet-frites-bien-sûr- avant de pouvoir quitter le canyon.

Ah, Cotahuasi, quand tu nous tient...