L’ascension du HUAYNA POTOSI

04 Août: Nous sommes revenus déçus de Coroico, petit village des yungas, la pluie et la mésentente avec la patronne de notre hôtel nous ont fait retourner à La Paz prématurément, et aujourd’hui mon père reprend son avion. Nous sommes tristes de le quitter, d’autant que le temps s’améliore au moment de son départ. Il n’a pas eu de chance.

Nous faisons aussi la connaissance d’une famille en vadrouille en camping car, Muriel, Thierry, leurs enfants Appoline et Nicolas. http://globegulli.fr . Nous passons de bons moments ensemble, et c’est l’occasion de faire du quad dans la campagne de La Paz, autour d’Achocalla et El Alto, et de se faire des barbecues de truites dans le parking qui nous est bien familier, depuis le temps que nous sommes là!!!.

05 Août: Nos nouveaux amis Français tombent bien, nous fêterons l’anniversaire de Thille tous ensemble autour d’une fondue savoyarde.

Jessica et Nicolas ont eu la bonne idée de commander une belle tarte d’anniversaire au restaurant de l’hôtel.

Après une bonne fondue, ça passe tout seul!

Mais voilà, Nicolas a une idée en tête depuis quelques jours... il souhaiterait faire l’ascension de l’Illimani, la belle sentinelle de La Paz que nous voyions tous les jours, nous dominant de ses 6468m. Il arrive à nous convaincre, nous relevons le défi car ce sera pour nous une première, nous n’avons aucune expérience de la haute montagne, et sans Nicolas, nous n’aurions jamais eu l’idée de s’aventurer là dedans. Nous faisons alors le tour des agences de La Paz, et plus nous discutons avec elles, plus nous sommes indécis, certaines nous affirment que cette montagne ne présente pas de difficulté, même pour des novices, d’autres nous la déconseillent complètement pour une première, montagne assez technique.

Nous faisons alors la connaissance du docteur Barrio, directeur de l’agence Huyana Potosi et spécialiste de la haute altitude. Celui-ci nous oriente sur un sommet un peu plus petit, et un peu moins technique et surtout 2 fois moins cher: le Huayna Potosi. Il dormira mieux, nous dit-il, si nous renonçons à notre projet fou.

Après mûre réflexion et sur les bons conseils de Jessica, qui elle, va rester au chaud garder Elliot, nous décidons de nous attaquer au moins difficile des deux. Quitte à ne pas arriver au bout autant dépenser moins.

C’est décidé, nous réservons pour le surlendemain.

Le 9 Août: Nous nous rendons à l’agence à 8h30, et allons faire les essayages de tenues de combat.

Chose faite, nous partons en 4x4 avec deux guides au refuge au pied du Huyana Potosi. Le temps est dégagé, ce qui nous rend optimistes quant aux conditions météo des deux jours suivants pour la véritable ascension. L’approche de cette montagne est belle, nous passons une lagune colorée, pourpre et bleue, sa couleur, selon nos guides, étant due aux rejets d’une mine actuellement abandonnée.

Le voili le voilou, le monstre de glace de 6088m.

Nous arrivons vers 12h au premier refuge, à 4750m. Nous mangeons et sommes pris en charge par Feliciano, notre instructeur en piolets et crampons. Nous allons faire de la pratique sur le glacier.

Cette après-midi de pratique est très bénéfique, nous apprenons à évoluer sur la glace avec des crampons, et armés de piolets, nous escaladons des parois glacées. Nous apprenons à descendre une parois en pente raide, à la monter, à tomber et à nous rattraper. Nous faisons aussi une escalade à deux piolets, exercice le plus difficile, en planter un dans de la glace de la main gauche n’est vraiment pas une partie de rigolade. Nicolas et Thille sont au poil. Pour ma part, j’ai l’impression de bien m’en sortir, mais le guide, certainement un peu macho, me regarde à peine pendant mes exercices et ne me dit presque rien. Pas grave, j’ai la sensation de ne pas être la dernière des empotées sur ce coup là de toutes manières.

La petite descente en rappel nous a bien plu, et nous espérons en avoir un peu en redescendant de la cumbre demain.

La journée a été fatigante, l’attirail que nous portons est lourd, et cela faisait un bout de temps que nous ne faisions plus de sport à part le levé de coude...

Nous redescendons au refuge, nous nous couchons tôt car il n’y a rien à faire, de plus un gars souffrant de gastro qui n’a pas pu faire l’ascension hier est toujours au refuge, et rester près de lui ne nous enchante guère. Choper ses microbes avant une aventure pareil serait vraiment dommage. Un inconvénient, les toilettes sont condamnés, ce qui nous oblige à faire des missions lampe frontale dans le froid pour ce que vous devinez.

Nous sommes au lit à 19h30, dans une piaule froide et inconfortable. La nuit est longue, nous fermons à peine les yeux.

Le 10 Août: Nous ne bougeons pas de la matinée, attendant que notre guide ait fini sa sieste avant de nous mener au refuge d’altitude. En effet, il faut qu’il se repose un peu, il fait le sommet tous les jours. Il revient à peine de ramener un groupe de là-haut, qu’il avait accompagné après notre après-midi au glacier. Il recommence aujourd’hui...Ils ont la santé les mecs.

Nous sommes sur les starting blocks, il est 13h et nous reprenons la route du glacier, puis le dépassons afin d’atteindre le refuge d’altitude à 5300m. La grimpette est rude, nous souffrons déjà. Le chemin est raide, accidenté et caillouteux. La dernière partie se fait dans la neige, et nous arrivons bien crevés au refuge. Surtout moi, je ne peux plus bouger. Le temps est nuageux, nous avons un peu marché dans le brouillard et cela nous met un peu le moral dans les chaussettes.

Le refuge est de confort plus que sommaire, c’est une boite en métal dans lequel il n’y a que des matelas durs et un réchaud à gaz. Pas d’eau, pas de toilettes, ou plutôt si, mais trop loin et trop dégueux.

Feliciano va chercher de la glace pour la fondre et préparer le maté et la soupe.

Il est 16h, et nous nous apprêtons à manger.

Nous buvons du maté coca pour nous réchauffer, puis la soupe qu’on mange à peine suivit de pâtes chinoises qu’on a du mal à avaler. Altitude ou trop d’effort physique dans la journée, impossible de se remplir le bide. Cela ne nous ressemble pas!

Le problème est que la soupe et le maté, ça donne envie de faire pipi. Et sortir ses fesses dehors plusieurs fois dans la nuit empêche de dormir correctement.

Couchés à 17h, comme les poules, impossible de fermer l’oeil, surtout après quelques entraînements à couchés tardifs depuis que nous sommes en bonne compagnie à La Paz.

Je tente une sortie pipi vers 19h, et là j’assiste à un spectacle magnifique, les nuages s'éclipsent et laissent apparaître un avant goût de ce que nous verrons à l’aube. L’Illimani se dévoile au loin. Nous sommes rassurés pour la vue dégagée que nous souhaitons au sommet.

11 Août: C’est le jour J. Nuit horrible, aucun d’entre nous n’a trouvé le sommeil. Il est une heure du mat et nos deux guides nous secouent pour que nous nous habillons. S'harnacher est épuisant, nous sommes morts avant d’attaquer. Il fait froid, nuit et on se demande ce qu’on fout là!

Mon guide, puisqu'apparemment ils ont décidés de me séparer de mes compagnons, pensant que je n’arriverai jamais au bout, m’attache à lui, et nous partons en cordée tous les deux en avance. Au moins, si je ne peux plus avancer, nous pourrons rebrousser chemin sans pénaliser Nico et Thille.

Le paysage est surnaturel, la lune éclaire la neige brillante et j’ai l’impression d’être dans la quatrième dimension. C’est dur mais je progresse bien, les gars sont derrière mais je ne les vois pas.

Au bout d’une demie heure j’ai besoin d’une pause, mon coeur est emballé. Nico et Thille me rattrapent

et je suis bien contente de les voir. Je m’ennuie toute seule à souffrir. Je suis crevée, je n’ai rien dans le ventre et je ne peux rien manger. Sans compter les deux nuits quasi blanches.

Les garçons ont l’air d’aller, pas le temps de causer, il faut repartir. On n’est plus très loin les uns des autres.

A plusieurs reprises, je me demande ce que je fais là, j’ai envie de rentrer, mais je me maîtrise, il faut que j’y arrive pour claquer le bec à mon guide qui n’a qu’une envie, faire demi-tour car il croit que je ne vais pas bien. Je vais bien, mais j’ai besoin de pauses pour baisser mon rythme cardiaque. Lui simule des bâillements pour me faire comprendre qu’il en a marre de faire des pauses. Et il a sûrement envie de rentrer plus tôt pour dormir. ça l’arrangerait bien que je capitule, mais c’est moi qui décide, on a payé pour aller au sommet, alors je vais y aller comme je veux. L’idée de faire demi-tour dans le noir et en avoir bavé pour rien me motive à continuer. On croise de temps à autre mes compagnons, qui ont l’air de souffrir aussi. Mais tout va bien. Au bout de 4h de marche, Nico et Thille arrivent au sommet. Je les talonne de peu, dix minutes après me voilà la haut, après deux escalades qui m’ont achevées. J’arrive en rampant sous les encouragements de Thille, trop fier de me voir là-haut, les larmes aux yeux. Accrochée à mon guide, lui me tirant pour m’aider avec la corde, je comprends maintenant de que veut dire l’expression «être sur la corde raide!»

Nous y sommes tous les trois, assis sur la pointe de cette montagne de 6088m. Pour nous c’est un exploit. Pour moi c’est l’expérience physique la plus dure de ma vie.

La récompense c’est le soleil qui se lève, à 6h45, au dessus des nuages. On se croirait dans l’avion.

Nous sommes les premiers, d’autres arrivent et nous devons malheureusement leur laisser la place.  Nous serions bien restés un peu pour profiter du moment, la fatigue et la petite séance photo nous empêchent de réaliser où nous sommes.

Voilà, ça c’est fait. Là ça ne se voit pas trop, mais je suis morte, mais alors vraiment vraiment morte. Mais fière!!!

Hop, il faut vite redescendre, les guides sont pressés de retourner à la base pour le repas et la sieste. Eux vont recommencer le parcours ce soir. Incroyable. Ils sont extra-terrestre pour nous. Et nous avons dû passer pour des traînards pour eux. Ils doivent se demander pourquoi on paye pour en baver autant. Et parfois nous aussi on se demande...

La re-descente nous offre des paysages sous le soleil matinal de toute beauté, nous n’imaginions pas tout ça en montant, passant près de crevasses sans les voir, devant des morceaux de glaces brillants aux stalactites immenses, toujours dominant la Cordillera Real.

Les guides étants pressés, il est difficile de prendre des photos correctement. Nous sommes un peu frustrés, mais bon. Voilà une petite sélection.

Nous revoilà au camp de base pour prendre un repas, nous racontons notre ascension à d’autres arrivants curieux de savoir ce qui les attend, tout en attendant notre carrosse qui nous ramènera à La Paz.

Thille et Nico sont prêt pour grimper le Huascaran au Pérou, une montagne de 6768. Sans moi, je resterai au chaud avec Jessica et Elliot.  Un truc pareil, c’est pas des vacances!!!