Le défi du volcan Copahue

Nous nous garons devant une vieille station géothermique abandonnée au bord des lagunes las Mellizas, encore partiellement gelées en milieu de journée. Cette station construite en 1965 alimentait le village de Caviahue en eau chaude depuis le volcan. Sans que l’on arrive à savoir pourquoi puisqu’il n’y a personne ici, elle ne fonctionne plus depuis longtemps.

Le panorama est vraiment grandiose et sommes très motivés pour faire l’ascension de ce volcan jusqu’au cratère. Nous partons de 2000 mètres d’altitude.

Nous suivons un sentier qui n’est pas balisé mais les quelques traces nous rassurent sur le chemin à prendre.

Au début de ce qui pour l’instant n’est qu’une randonnée, nous avons le salut d’un condor planant au dessus du chemin.

Le terrain est difficile, nous marchons alternativement dans de la caillasse instable, dans de la neige, dans du sable. Au bout d’une heure de marche, nous nous apercevons que les deux heures annoncées par Andrea étaient comptées depuis un petit endroit plat sableux que l’on découvre à l’issue de vieilles traces sûrement faites par les 4x4 qui emmènent les touristes l’été sur les pentes du volcan.

Nous n’avions pas découvert cette piste ce matin, mais comme elle est vraiment défoncée, nous ne l’aurions pas prise de toute façon pour ne pas user un peu plus les pneus sur ces rochers râpeux.

Les dernières traces de pas nous mènent à un ruisseau brûlant à l’odeur de soufre. Ne voyant pas d’autres empreintes après cela, nous ne savons plus trop quelle pente suivre pour aller au cratère car nous ne savons pas exactement où il se trouve sur la longueur du volcan.

Nous optons pour la pente la plus douce pensant que ce serait plus facile...

grossière erreur, cela fait plus d’une heure que nous fournissons des efforts sur ce terrain difficile où nous nous enfonçons parfois jusqu’aux genoux dans la neige pour arriver sur une pente de petits graviers que nous ne pouvons gravir tellement nous dérapons, un mètre de gagné, c’est 4 mètres en arrière sans parler de la glace impossible à franchir puisque nous n’avons pas de crampons à nos chaussures, jusqu’à ce que je fasse une dégringolade de plus de 20 mètres approximativement sur les fesses à essayer de me freiner avec les mains sur ces cailloux râpeux qui ont effacé la moitié de mes empreintes digitales.

Nous ne sommes tout près du sommet, et la fatigue plus la rage d’échouer si près du but me font pleurnicher un peu car mes muscles sont proches de la tétanie, j’ai un peu peur que nous soyons coincés car la descente parait aussi risquée et difficile que la montée vu le dénivelé et la pente abrupte. L’après midi est bien entamé, et le vent s’est levé.

C’est un peu l’angoisse car le Thillou dévale à son tour la pente, s’arrache le bout des doigts sur la gravière et est pris de crampes aux cuisses. Et là, on pense à ce foutu condor qui n’a même pas besoin de battre des ailes pour voir le cratère. Il doit même nous observer et doit penser à nos carcasses pour son casse-croûte, peut-être même qu’il se dit que si nous tombons dans le ruisseau bouillant, il se tapera deux gros ravioli vapeur tous prêts!

Evidemment, pas de photos pour illustrer ce passage délicat, nos mains étaient occupées et je ne faisais pas la maligne!

Nous arrivons en faisant des glissades contrôlées à revenir sur nos pas, à nous reposer un peu, jusqu’à ce qu’on décide de continuer quand même par un autre chemin enneigé mais plus raide.

Nous n’aimons pas rester sur un échec, alors on se donne un quart d’heure de plus pour arriver à notre cratère si convoité car nous sentons les odeurs piquantes du soufre, indiquant que nous sommes près du but.

La grimpette dans la neige est plus aisée, et après un dernier effort, nous arrivons dans une atmosphère irrespirable qui brûle les poumons et les yeux avec une bonne odeur d’oeuf dur puissance 10. Et nous voilà à 2953 m, au coeur du Copahue, bouillonnant et fumant, bien contents et fiers de nous, même si on a pris le mauvais chemin, s’ajoutant de la difficulté à une ascension fastoche comme des andouilles.

Les deux heures annoncées par Andrea se sont terminées par 4 heures de marche intense.

Le jeu en valait la chandelle, la vue sur le glacier fondant dans le cratère de boue bouillonnante et fumante, même si nous ne pouvons rester plus de quelques minutes tellement l’air est suffocant. Lorsque le vent vient vers nous, nous pensons que nous allons crever là asphyxiés, à peine protégés par un pauvre mouchoir à la mente qui atténue légèrement notre souffrance. C’est en apnée que nous effectuons ces quelques photos témoignant de notre défi du jour, Thille n’ayant pu filmer que quelques secondes malheureusement.

Nous toussons tout le long de la descente qui se fait bien plus vite que la montée malgré la fatigue.

Nous en profitons pour admirer le spectacle qui s’offre à nos yeux, le lac Caviahue en forme de fer à cheval ainsi qu’à l’Ouest la vue sur la Cordillère des Andes.

Nous sommes si près du Chili, le cratère n’étant qu’à deux kilomètres de ce pays.

Nous repassons devant le ruisseau soufré brûlant sortant de la bouche infernale du volcan, où nous faisons les malins, et suivons notre cap jusqu’aux lagunes où nous sommes garés.

Après ces 6h30 heures de marches éprouvantes mais satisfaisantes au final, nous avons grand besoin de nous décontracter dans les eaux chaudes et boueuses des thermes abandonnés nommés Las Maquinitas, un endroit où la base du volcan ronfle, siffle, crache comme en enfer. Nous faisons le tour des lagunes bouillantes car l’eau y est ou brûlante, ou trop tiède, il s’agit de ne pas finir comme des tourteaux et trouver la bonne température.

Nous hésitons à nous y tremper car la boue paraît épaisse, elle sent mauvais, imaginez plutôt: prenez des oeufs durs avec un bout de vieux munster, enfermez les plusieurs jours dans une boite hermétique, laissez quelques jours au soleil puis ouvrez la, et vous aurez l’odeur comparable de ce que le Thille s’est tartiné sur le visage. Humm, il a gagné 10 ans! Enfin, non, juste une peau douce et un bon lavage au gel douche parfumé ensuite. Ceci dit elle est bienfaisante selon l’organisation mondiale de la santé qui a reconnu ses propriétés thérapeutiques, alors malgré nos réticences, nous y allons et approuvons le bien-être de cette fin de journée.