LA MINA DE LA CASUALIDAD

Nous voilà enfin à l’entrée de la mine. Plus qu’une mine, c’est bel et bien un village tout entier abandonné et dévasté par les pilleurs. Il y a une église, un casino, des bains publics, les habitations pour les familles, un petit négoce, un jardin d’enfant, un hôpital... Cela donne des frissons dans le dos. C’est une mine de souffre, et de sulfate de potassium. Il reste beaucoup de déchets et les installations sont encore debout, incroyablement conservées. La mine a été construite en 1945 et a fait faillite à cause de la concurrence en 1978. Ce village semblait être vraiment d’avant-garde, en effet, les maisons sont très bien faites, toutes avec une cuisine et salle de bain, canalisations et électricité encastrées, eau courante, tout confort. La condition de vie de ces travailleurs devait être très supérieure à la moyenne, en comparant les maisons des villages que nous rencontrons en ce moment. La plupart n’ont pas l’eau courante potable.

A la voir comme ça, elle est dénuée de toute vie, il n’y a aucun bruit, une tôle grince à cause du vent de temps en temps, comme dans les bon westerns avant une action...

Comme des gosses, nous partons explorer la ville, nous grimpons la colline à vélo pour avoir une vue d’ensemble (je ne fais pas long feu à 4500m d’ altitude, pour Thille, zéro problème!) et en redescendant, nous nous apercevons que cette mine n’est pas si abandonnée que ça, elle est habitée...

De là haut, nous voyons apparaître comme par magie des petits troupeaux de vigognes arrivant de tous les côtés de la mine. Il est au alentours de 14h et l’eau des vieilles canalisations dégèle. C’est l’heure à laquelle elles viennent s’abreuver. Nous nous approchons assez près, mais elles partent au galop dès que nous franchissons leur ligne invisible.

Petit à petit elles s’habituent à notre présence et ne se sauvent plus lorsque nous approchons. La ligne invisible est maintenant à 15 ou 20m. Curieuses, elles nous observent et passent même très près du camion lorsqu’elles ne nous voient pas à ses côtés. La photographe s’en donne à coeur joie! Nous avons tout le loisir d’observer leur comportement nous aussi. Elles marchent à l’amble, font leurs crottes dans des endroits bien choisis, toutes au même endroit,  il y a un mâle qui fait un peu sa loi, une mère et son petit sont moins froussards que les autres et s’approchent plus volontiers de nous. Elles sont comme les petits génies de la mine. Elles viennent, repartent, reviennent, se courent après, bref, cet endroit est leur terrain de jeu et leur oasis.

Leur grâce nous ensorcelle, nous passons de longs moments à nous observer mutuellement. Nous allons dormir ici et verrons bien demain s’il y a du progrès.

17 Mai: Aujourd’hui nous nous faisons un nouvel ami. Un renard tout aussi curieux que les vigognes s’approche de nous. Il reste lui aussi à distance mais nous l’intriguons énormément car il nous suit dès que nous avons le dos tourné.

Au fil de la journée, ce coquin de renard s’approche de plus en plus. Il est même venu se planquer derrière le camion pour observer Thille en train de se raser. J’étais plus loin à l’observer tout en filmant  les vigognes qui ne font plus attention à notre présence. Elles font comme si nous n’étions pas là. Elles traversent la mine tranquillement en nous jetant un regard par moment. Il y a une rivalité entre ce renard et les vigognes. Elles ne sont pas allées boire tant qu’il était dans les parages. Elles le regardaient fixement avant de lui faire la chasse. 

Comme dans «le petit prince» ce renard semble vouloir nous parler pour qu’on l’apprivoise, enfin, c’est ce que nous aimerions croire car plutôt, il cherche à nous chiper à manger. En tout cas, nous sommes heureux de sa présence agréable. Il se rapproche vraiment et passe nous voir au camion de temps en temps. Nous passons une journée géniale en compagnie de tous ces animaux. Cette mine n’est finalement pas vraiment abandonnée, c’est un vrai paradis!

Thille nous fait une bonne sauce tomate au feu de bois, ce qui rend encore plus curieuses les vigognes qui ne cessent de nous regarder faire la tambouille.

Aujourd’hui elles sont restées tout l’après-midi en notre compagnie, nous avons passés deux jours de bonheur en ce lieu étrange. C’est vraiment un endroit à vivre deux ou trois jours, voir plus car il y a une source d’eau douce potable vers l’entrée du site (on nous a dit qu’elle avait été analysée) et on ne s’y ennuie pas avec toutes ces bébêtes. Pour s’amuser un peu, Thille voulait faire une partie de cache-cache de nuit avec moi, mais...ça ne m’a pas trop branché, brrr...